Je suis arrivée en 5e classe à l’école Steiner de Colmar après un début de parcours dans une école ordinaire. Ce fut un changement radical, car j’ai aussi changé de région, mais les choses se sont vite mises en place. Mes parents ont toujours cru en la pédagogie Steiner, ils avaient confiance en cette école, c’est ce qui m’a aidé à vivre ce changement et à en profiter pleinement. Je n’ai pas eu de mal à m’intégrer. L’enthousiasme et la passion de mon professeur principal m’ont grandement éveillé! J’ai eu accès à des matières manuelles (couture, jardinage, modelage etc…). C’était inattendu et incroyable! J’ai découvert une autre façon d’apprendre à l’école, cela me semblait magique. J’aurais bien refait ma scolarité pour revivre tout ça ! Je pense que cette pédagogie est adaptée à tous les enfants. Ils peuvent chacun y trouver leur propre chemin, car on leur offre la possibilité d’en explorer plein. Outre les arts plastiques, j’adorais les arts de la scène et particulièrement la danse. L’opportunité de faire du théâtre tous les ans n’a fait qu’agrandir cette passion. En 8eme j’ai d’ailleurs pris beaucoup de plaisir à créer un extrait de comédie musicale comme travail d’année.
Dans les grandes classes, trois temps forts m’ont marqué : les stages (3 fois 3 semaines) , la pièce de théâtre en 11eme et le travail d’année de 12eme. Les stages nous font entrer dans la vie active et prendre conscience du monde et des gens qui nous entourent. Ça me semble important de nos jours. Que ce soit le stage à la ferme, dans une entreprise de carton ou dans une maison de retraite, je me suis rendue compte de l’enjeu des relations humaines quels que soient le travail ou le secteur d’activité. Cela nous aide alors à nous développer socialement. La pièce de 11eme renforce l’unité de la classe, fait mûrir les esprits et apporte un autre regard sur le rapport hommes/femmes. Le théâtre nous pousse à nous dépasser et à prendre confiance en nous. En 12eme, le travail d’année continue sur cette voie. J’ai à nouveau réalisé une courte comédie musicale, confortant davantage mon envie de poursuivre dans ce domaine. Cette école est la base de mon parcours d’artiste.
A la fin de ma scolarité, je devais passer mon bac dans un lycée ordinaire. Mais le fort contraste entre la pédagogie que j’avais connu et le rapport aux professeurs et aux matières a été trop perturbant. Il ne m’a pas été permis de réellement ressentir une valorisation de l’individu qui favorise, à mon sens, son émancipation. J’ai donc arrêté le lycée et eu mon bac en candidat libre, tout en assistant, grâce à mes professeurs d’arts, aux cours de théâtre, à la chorale et au voyage. Comme je pratiquais la danse depuis mon enfance, j’ai alors passé des auditions. J’ai ainsi été prise dans une école de danse sur Paris. J’ai repassé des auditions l’année suivante car l’enseignement ne me correspondait pas. Je suis venue à Toulouse pour finir ma formation professionnelle de danse en 4 ans. C’est probablement mon vécu qui m’a permis d’adopter une certaine distance et une confiance en soi suffisantes pour aller au bout de ce cursus intense physiquement et psychiquement. En parallèle, j’ai repris le chant durant la 3eme année, en m’inscrivant dans une maîtrise pour filles, et j’ai suivi des cours de danses de couples (tango, salsa, rock…).
Après ma formation j’ai trouvé plusieurs projets pour devenir intermittente du spectacle. Aujourd’hui, je travaille dans des comédies musicales, je suis également danseuse dans des troupes itinérantes de revue cabaret, et chanteuse dans un cabaret fixe. Sur un plan personnel, j’ai créé la compagnie Quartz avec laquelle je monte mes propres projets.
Je suis très heureuse dans mon métier et reconnaissante envers mes parents pour leur soutien et leur choix quant à ma scolarité ; je peux en parler souvent, c’est vrai, car pour moi c’est la base de ce que je suis devenue, c’est une école de la vie. L’éducation est un pilier primordial et je pense que cette pédagogie offre les moyens de s’accomplir et de se réaliser, peu importe le chemin choisi. Si je devais l’illustrer, je proposerais la citation suivante :
” Les enfants des hommes ressemblent aux graines de moutarde ou aux grains de blé. S’ils poussent mal ou sans abondance, c’est qu’on n’a pas pris soin d’eux. On ne peut pas leur demander d’aimer le beau, le vrai, le bien, quand on ne les a pas guidés vers le beau, le vrai, le bien. On ne peut pas leur demander de croire en l’homme quand ils n’ont été ni attendus ni entendus. Pour que la graine donne du fruit, il faut s’occuper de la terre avec amour, être attentif à la croissance, couper parfois, sarcler souvent, et respecter le temps.”
Extrait de l’autobiographie de Tim Guenard ” Plus fort que la haine “
Marie DEFECHE